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Île de Pâques

.Galerie argentique

Chronique de voyage

1. Chacun ses rêves

Le mien depuis toute petite, était de voir un jour ces foutues têtes en pierre de l’île de Pâques : les Moaï (oui, sans s au pluriel). Une lubie de gamine quoi… 
Au final, le rêve est accessible avec les promos monde Air France (tuyau), le Chili devient une destination très envisageable. Oui, l’île de Pâques est Chilienne avec un vol au départ de Santiago, 5h30 au dessus du Pacifique pour atteindre ce petit caillou volcanique. L’autre seul moyen d’y arriver, de façon beaucoup plus coûteuse, est par Tahiti une fois par semaine, c’est encore plus loin au dessus de l’eau, 4 000 km.

Bien sûr, je savais qu’en foulant cette terre perdue dans le Pacifique, elle perdrait forcément de son mythe mais me gagnerait-elle par son charme ?… C’est chose faite, on peut même parler d’amour. La mer, le vent, un soleil vif et la roche noire… Une forme de désolation qui aspire à la méditation et la solitude tel Robinson au milieu des éléments…

L’île de Pâques est une très très petite terre de 20 km sur 13, mais où tout y est facile car il n’y a presque rien. Juste un bourg et un seul, appelé Hanga Roa, avec ses quelques rues, l’aéroport indispensable et ses citernes au bout de la piste qui donne sur la mer.
Une église large et blanche avec des pétroglyphes locaux (le symbole de l’oiseau Manu) peints en rouge, un peu partout sur le fronton, surplombe le bourg et son petit port où des grosses tortues de mer aiment agiter leurs nageoires entre les coques colorées.

Quelques Moaï (les statues bien connues), bien placés, prêtent leur dos à la mer. Le coucher de soleil sur les géants y est très apprécié par les touristes et les locaux le week-end. Plutôt pratique pour aller dîner ensuite, car n’imaginez pas manger ailleurs que dans Hanga Roa sur l’île, il n’y a rien en dehors !

Aussi, une seule station service, puis deux routes qui vont vers l’autre bout de l’île, la principale à l’intérieur où l’on avance doucement à 60 km/h, et celle de la côte plutôt chaotique où on dépasse rarement les 40 km/h. Je n’ai compté que deux flics sur l’île, autant vous dire que les Pascuans, eux, passent toujours la cinquième…

En une demi-heure d’une route bien goudronnée, on arrive de l’autre côté, où il y a là aussi, l’unique plage avec ses Moaï, ses cocotiers et du sable blanc, « The » plage quoi, pourquoi y aurait-il besoin d’une autre ?…
Bon, il y en a une autre en fait, une petite crique juste à côté : O’vahe, petite plage délicate de sable rose, mais la falaise en surplomb menace à tout moment de vous tomber sur la tête et un gardien vous en informe en arrivant à grand renfort de gestes vers le panneau très explicite…

2. Une histoire complexe

Pas de faste ni de tourisme exponentiel (le tourisme de masse y est impossible dû au peu de réserves de l’île). Les terres appartiennent normalement aux Pascuans. Personne d’autre ne peut acheter la terre, elle se loue à la rigueur. Il y a quand même deux procès en cours car le gouvernement Chilien a vendu à des capitaux étrangers deux terrains et ça se voit beaucoup. Une multitude de pancartes de protestation sont plantées juste devant l’hôtel éco spa je ne sais quoi, qui est américain. Les Pascuans, confiants, sont sûrs de gagner les procès. Un courant plus dur appelle à la décolonisation de l’île.

En discutant un peu, j’ai compris que les Pascuans fantasment beaucoup plus sur la culture française, et regardent plus du côté de Tahiti que du Chili. Ils se définissent comme descendants des Maoris et sont donc Polynésiens. L’île aurait pu devenir française, les Pascuans ont demandé plusieurs fois leur rattachement à la France au 19ème siècle, mais ce caillou miséreux à l’époque n’intéressait personne !

La seule chose très compliquée ici est leur Histoire. On ne comprend toujours pas tout le déroulement des événements et on avance surtout par hypothèses…

Que sait-on réellement de l’Île de Pâques ? Le nom tout d’abord, encore un truc simple : le premier occidental, Hollandais, a découvert l’île le jour de Pâques. Son vrai nom est Rapa Nui, prononcez Rapa Nouille (que vous êtes !). On n’est toujours pas très sûr de l’origine exacte des habitants qui ont érigé tous ces autels sacrés.

On suppose que vers 800, un roi polynésien déchu, Hotu Matu’a, a débarqué avec sa suite et ses six fils qui fondèrent des clans. On suppose que des hommes Incas ont également débarqué à peu près au même moment apportant leur savoir-faire en sculpture de pierre et se sont mélangés aux Polynésiens n’ayant pas amené de femmes. Les Incas seraient ceux qu’on appelait les longues oreilles. C’est plutôt ces visages que semble représenter les statues Moaï. On compte à peu près 800 statues (plus toutes les cassées par le transport !). Les Polynésiens sont donc les courtes oreilles.

Cette civilisation eut une belle époque d’abondance jusqu’à atteindre 10 000 âmes puis les ressources de l’île (surtout le bois) se sont raréfiées. Plus de bateaux pour pêcher, des guerres de clan ont éclaté. On suppose qu’un Tsunami violent et une période de sécheresse due au El Nino ont plongé les Pascuans dans une grande misère. Se sentant abandonnés de leurs dieux et ancêtres, les clans dans un excès de rage abattent leurs Moaï à terre. Une autre théorie définie les longues oreilles comme les riches et les courtes comme les pauvres qui ont peut-être eu trop faim au bout d’un moment et se seraient révoltés.

C’est plutôt ces visages que semblent représenter les statues Moaï. On compte à peu près 800 statues (plus toutes les cassées par le transport !). Les Polynésiens sont donc les courtes oreilles. Cette civilisation eut une belle époque d’abondance jusqu’à atteindre 10 000 âmes puis les ressources de l’île (surtout le bois) se sont raréfiées. Plus de bateaux pour pêcher, des guerres de clan ont éclaté.

Aussi des Péruviens esclavagistes débarquent et viennent se servir en hommes pour leurs mines, puis des missionnaires évangélistes et des colons Européens amènent d’autres polynésiens de Tahiti et des moutons quicommencent à bouffer ce qu’il reste. Pas mal de maladies se sont propagées et ont eu à peu près raison du petit peuple originel. Tout n’est que misère et désolation, une centaine d’âme survivent et demandent plusieurs fois le protectorat à la France !

Le Chili prend finalement possession de l’île à la fin 19ème siècle, la France n’y voyant aucun intérêt. Cédée d’abord à une compagnie anglaise de laine de moutons, la catastrophe écologique devient totale. Le Chili reprend le territoire en envoyant des militaires. On commence enfin à mettre de l’électricité et à canaliser l’eau. Il faut attendre 1960 pour que les Pascuans obtiennent des papiers et le droit de vote ! Voilà grosso modo la « triste » histoire. Il existe aussi des théories plus fantaisistes qui parlent d’extra-terrestres ou de l’Atlantide qui, en coulant, a laissé l’île de Pâques…

Aujourd’hui encore, on compte les arbres sur l’île. La Conaf qui gère le parc créé des parcelles ultra protégées pour tenter de réintroduire la flore et la faune native et limiter les plantes invasives importées mais c’est très long. Les deux rues centrales de Honga Roas ont longées de quelques restaurants, bars et boutiques, des sortes de paillottes en dur, tranquilles. On est loin de toute frénésie grotesque de tourisme de masse et certains pourraient s’y ennuyer rapidement je pense… 4 000 âmes Rapanuis selon mes guides de voyages, 7 000 selon mon logeur, qui mettent, dansent ou chantent leur musique locale. Le dimanche à l’église, les chants de messe donnent un parfait aperçu du folklore et du style vestimentaire. Couronnes et serre-têtes en fleurs et feuillages, chemises colorées et colliers de coquillages, le curé dit la plupart de lamesse en Rapa Nui, affublé d’un grand plumeau sur la tête.

3. Impressions

Louer une voiture n’est pas cher en comparaison des prix assez exorbitants pour manger et boire. Il faut préciser que la location est sans assurance. On part certainement du principe ici, qu’il est assez difficile de percuter un autre véhicule vu le peu de monde. Il y a toutefois de vrais risques avec les vaches et les chevaux, les chiens et les nids de poule, d’où l’idée de rouler doucement.

Après une bonne marche, on retrouve souvent un animal près de la voiture garée. Par ordre de présence : chiens sous la voiture pour l’ombre, chevaux sur le côté avec le poulain en train de téter, ou une vache égarée devant le capot (amusez-vous pour la bouger de là !…).
Les chiens se promènent parfois en meute, plutôt idiots, à aboyer et à courir après tous les canassonsqu’ils croisent, et il y en a beaucoup.

Sur les vallons blonds et sauvages de l’île, des grands troupeaux de chevaux en robe de feu, se font des galops, juste pour le plaisir, en hennissant à tue-tête. L’île a vraiment une allure de far-west et beaucoup de guides Pascuans vivent des balades à cheval proposées aux touristes. La faune abrite aussi des escadrons de libellules. Il y en a partout dans la nature, grosses ettirant sur le brun orangé, surtout autour du volcan Rano Kau. Normal, il y a une belle étendue d’eau dans l’ancien cratère.

La première libellule vue, c’était juste à l’arrivée à l’aéroport, sur l’aile de l’avion, au final ça n’avait rien d’étonnant. Encore côté faune, l’oiseau assez commun de l’île est un petit rapace, une sorte de faucon au cri perçant et magique, tout droit sorti des contes et légendes. Et puis, ici, tout le monde à des poules et des coqs, qui se baladent donc un peu partout, et lescoqs vous agacent évidemment dès 5 heures du matin.

Les Moaï sculptés viennent tous de la même carrière : le volcan Rano Raraku. D’après les outils retrouvés, il faudrait entre 12 et 18 mois pour sculpter un Moaï et il y en aurait eu un bon millier de finis ! Ils auraient été sculptés entre 1 100 et 1 600. Leurs chapeaux de lave rouge viennent d’un autre endroit : Puna Pau.

Aujourd’hui quand on visite ces fabriques à ciel ouvert, on a un sentiment d’abandon et d’inachevé : des tas de Moaï non terminés sont figés ici pour l’éternité. Les Moaï participaient au culte des ancêtres remplacé ensuite par celui de l’homme-oiseau : Tangata Manu.

Chaque année, les valeureux représentants des clans faisaient une compétition jusqu’à une île pour trouver le premier œuf d’un oiseau qui venait nidifier. Les candidats pouvaient rester longtemps sur l’îlot à attendre qu’un oiseau ponde enfin… puis le premier à avoir le précieux œuf devait revenir à la nage avec, gravir la falaise, et le donner au roi de l’année précédente pour devenir roi à son tour, l’homme-oiseau quoi.

L’histoire de ce changement de culte reste encore floue, on imagine que misère et guerres intestines ont achevé l’ancienMardi 8 février : culte des ancêtres pour le Tangata Manu. Les Moaï majestueux ont tous été renversés par terre. Certainement à l’aide de cordes, les guerriers les ont fait tomber face contre terre. Beaucoup restent ainsi un peu partout sur l’île, dans cette attitude de renoncement, le nez piqué dans le sable… cela rend triste.

Tous les Moaï aujourd’hui debouts ont été rétablis par la main de l’homme moderne, bref, avec une grue. La quasi totalité des sites actuels se trouveen zone protégée dansle parc naturel de la Conaf. Le ticket d’entrée reste valable 10 jours pour 80 dollars US. Il y a deux endroits qu’on ne peut visiter qu’une fois. Pour tout le reste, il suffit de montrer son ticket. Si vous arrivez troptôt pour le lever du soleil à l’Ahu Tongariki, vous avez l’impression de faire la queue pour le jour de sortie du dernier Star Wars. Il faut attendre que le gardien daigne ouvrir le portillon (en plein air !). Ensuite, ça se passe plutôt bien, les touristes se dispersent sur l’immense terrain et chacun trouve sa place pour sa photo.

Bon, il y a encore beaucoup à raconter sur cette île singulière mais je vais arrêter là pour l’instant… prochaine chronique sur la Patagonie… (écrit en transit à Santiago pour Punta Arenas).

Quelques images en numérique…

et des croquis…

moaï